J'ai failli intituler ce billet "J'en ai marre d'être végane", mais j'ai bien senti que cela le mettrait dans une mauvaise posture avant même d'être lu.
Que l'on se rassure, je suis toujours végane. L'abandon du blog n'a rien à voir avec un quelconque revirement. Mais que l'on soit attentif: j'en ai marre d'une approche du véganisme qui nie les problèmes que peuvent rencontrer les unes ou les autres.
En effet, dans la communication pour convaincre au véganisme, outre les appels à l'éthique et les arguments de l'environnement, on parle beaucoup du côté soi-disant plus sain du véganisme et du fait que la plupart des gens qui font cette conversion alimentaire verraient leur poids se modifier vers le bas. Et j'en ai plus que marre d'entendre ça.
Disons-le directement: j'ai bel et bien vu mon poids se modifier en devenant végane. Vers le haut. Et pas qu'un peu. J'ai pris plus de vingt kilos. Alors certes, je suis devenue végane dans les mois qui ont suivi mon arrêt de la cigarette et ma première grossesse, ce qui influe déjà en soi le corps et son métabolisme. Mais cela n'explique certainement pas tout.
Je suis tombée dans le piège du véganisme. Je dis piège, car il est invisible, et c'est ça qui le rend dangereux, cet angle mort que personne ne veut voir. Je dis piège, mais ça ne l'est pas pour tout le monde. C'est un piège pour des gens comme moi, et nous sommes nombreux: celleux qui souffrent de troubles du comportement alimentaire, aka les TCA.
Les troubes du comportement alimentaire peuvent vite devenir envahissants s'ils ne sont pas bien maîtrisés. Première étape, les reconnaître. Deuxième étape, la bienveillance envers soi-même. Troisième étape, ne pas se mettre dans des situations potentiellement dangereuses - "triggering". Or voilà, le véganisme, par définition, implique une modification de l'alimentation qui passe nécessairement par une forme de restriction. Cela n'est absolument pas négatif en soi. Mais quand on a un TCA, c'est extrêmement risqué.
En effet, même s'il on est convaincu à 3000 pourcent de la justesse de sa démarche, de l'éthique, de son combat, il n'empêche que le cerveau, lui, il reçoit le message "restriction", et dans le cas d'un TCA ça le met en grande nervosité. Et il compense. Voilà pourquoi toute une frange des véganes a des problèmes de poids - et on les tait, car ils ne donnent pas une bonne image du véganisme. Voilà pourquoi je me cache souvent, j'ai l'impression d'être une "mauvaise végane" puisque je ne suis pas une brindille qui pète la forme.
Je le répète, le problème n'est pas le véganisme, c'est bien les TCA! Mais quand on doit gérer les deux, c'est compliqué - et les similis, gloire à eux, participent aussi grandement au problème. Je n'ai pas de solution. Chacun trouve la sienne. J'en connais qui rongent leur frein en silence, j'en connais qui se sont relâchés sur certains produits laitiers pour limiter les stress envoyés à leur cerveau. Aucun.e n'a tort, à chacun.e de trouver son équilibre. Je suis convaincue que le véganisme est la voie à suivre, qu'il est éthique, qu'il est la seule solution alimentaire viable pour l'environnement et la seule solution viable pour notre moralité. Mais je suis également convaincue que si les gens souffrant de TCA ne se voient pas reconnaître les difficultés qu'ils vont rencontrer en devenant végane, cela n'aidera personne. Et cela limitera probablement le nombre de véganes parmi eux à terme.
À titre personnel, je n'ai pas encore de solution, je continue à souffrir de cette double contrainte et me demande comment faire pour gérer mes TCA et surtout ma santé (20 kilos!) tout en restant en accord avec mes convictions profondes. À titre communautaire, j'aimerais que l'on cesse de pourrir les gens qui rencontrent des difficultés en devenant végane. Chacun.e son parcours, chacun.e ses bagages dans cette aventure. Et plus nous serons reconnu.e.s et accueilli.e.s avec bienveillance plus cela nous aidera à rester véganes et en bonne santé.